Un article intéressant tiré du blog de Paul Jorion sur la formation du prix. Le principe est parfaitement applicable au monde du flipper, où l’offrre est relativement déséquilibrée avec de plus en plus d’acheteurs potentiels et une offre qui reste très limitée.
Quand un vendeur ou un acheteur se retrouve seul sur un marché, il a la capacité de fixer le prix d’un bien, marchandise ou service, au niveau qui lui est le plus favorable. Le choix s’offre même, s’il le voulait, d’éliminer la partie adverse par le prix qu’il exige et d’interdire du même coup l’existence future du marché. On parle alors de situation de « monopole ». Pour que les vendeurs ne soient pas exterminés, il faut que le prix de marché, le « prix marchand », ne descende pas au-dessous du prix de revient du bien, de son coût de production : le prix peut occasionnellement tomber en-dessous de ce niveau mais il ne peut pas tomber loin en-dessous ou, s’il le fait, il ne pourra en tout cas pas le faire très longtemps. Le coût de production constitue une borne inférieure pour le prix d’un bien, si l’on veut bien entendu que le marché continue d’exister. Inversement, pour qu’il y ait des acheteurs, il faut que le prix n’excède pas les moyens dont ceux-ci disposent : il faut que, s’ils achètent ce bien, son prix n’entame pas leur capacité à assurer leur subsistance. L’institution du crédit à la consommation permet éventuellement de repousser la question du coût excessif dans l’avenir mais comme le déclenchement de la crise dans le secteur des subprimes américains l’a très bien rappelé, il existe des limites à une telle manière d’hypothéquer l’avenir. La subsistance de l’acheteur détermine une borne supérieure au prix du bien, de la même manière que le prix de revient définit lui une borne inférieure. Pour autant, comme je l’ai dit, qu’on se soucie du fait que le marché survive.
Quand il n’existe qu’un seul acheteur, la tentation existe pour lui de forcer le vendeur à lui vendre le bien à un prix à peine supérieur à la borne inférieure que constitue le prix de revient assimilé au coût de production, réduisant son profit à peu de choses. Symétriquement, quand il n’existe qu’un seul vendeur, la tentation est grande pour lui de situer le prix à peine en-dessous de sa borne supérieure, qui mettrait en danger elle la subsistance de l’acheteur.
Lorsqu’il existe un certain nombre d’acheteurs d’une part et de vendeurs de l’autre, le prix du bien ira se situer quelque part entre ses deux bornes possibles : la borne inférieure que constitue le coût du vendeur, et la borne supérieure imposée par la subsistance de l’acheteur, et c’est dans ce cas-là seulement que le volume de l’offre et le volume de la demande joueront un rôle dans la détermination du prix.
Si l’offre du bien, marchandise ou service, est supérieure à la demande, il y a nécessairement d’une certaine manière abondance, alors que si c’est la demande qui dépasse l’offre, il y a alors automatiquement rareté. Mais de même qu’il n’y a pas nécessairement abondance sur les marchés, il n’y a pas non plus rareté de manière générale – et ceci, contrairement à ce qu’affirment les économistes ayant pignon sur rue depuis la fin du XIXe siècle.
Si l’offre est supérieure à la demande, s’il y a abondance, la concurrence entre vendeurs déséquilibre le rapport de force entre les acheteurs et les vendeurs en faveur des acheteurs : tous les vendeurs n’auront peut-être pas l’occasion de vendre et une concurrence existera entre eux. Pour pouvoir vendre, ils baisseront le prix plus ou moins significativement par rapport à sa borne supérieure. Inversement, si la demande est supérieure à l’offre, s’il y a rareté, alors la concurrence entre acheteurs déséquilibre le rapport de force entre les acheteurs et les vendeurs en faveur des vendeurs : tous les acheteurs n’auront peut-être pas l’occasion d’acheter et il existera entre eux une concurrence qui fera décoller le prix de sa borne inférieure.
Comme on l’aura noté : il n’existe pas en permanence de concurrence généralisée entre tous les vendeurs d’un côté, et tous les acheteurs de l’autre : c’est seulement la différence entre le volume de l’offre et celui de la demande qui détermine dans lequel des deux camps la concurrence s’exercera. Si la différence est positive : si l’offre est supérieure à la demande, c’est la concurrence entre vendeurs qui est activée, si la différence est au contraire négative : si la demande est supérieure à l’offre, c’est au contraire la concurrence entre acheteurs qui est activée.
Pour empêcher les situations de « monopole », qui sont injustes, soit vis-à-vis de l’acheteur, soit du vendeur, parce qu’elles donnent tout pouvoir à l’autre partie de fixer le prix, et dangereuses, puisque le risque de tuer le marché lui-même existe alors, il faut qu’un cadre juridique interdise les situations de monopole. C’est là l’une des principales raisons (avec la protection de la propriété privée) pour laquelle les farouches ennemis de l’État que sont les libertariens souhaitent quand même son existence.
On remerciera donc JJP d’entrer dans la danse pour rétablir un minimum d’équilibre entre acheteurs et vendeurs (vu que le volume de machines va globalement et significativement augmenter).